Un état d'esprit

Notre philosophie

Tout a commencé avec la reconquête du coteau de Torméry par René Girard-Madoux.


En 1947, il avait 20 ans et il travaillait le sol de ses vignes à la pioche ou avec un ensemble charrue-treuil de marque Suisse : Plumette. Il appliquait plusieurs fois par an (2 à 3 fois) la bouillie bordelaise et le soufre sublimé pour lutter contre les maladies. (Mildiou, black-rot, oïdium).


Il était en bio sans le savoir, par la suite il a vécu l’avènement des désherbants chimiques et des produits phytosanitaires dont le Dithane M45 qui a permis d’éradiquer le black-rot à Chignin.


Il disait : « Le gars qui a inventé le désherbant chimique je lui accrocherai une médaille de récompense ». Le désherbage mécanique ou manuel n’était plus une corvée, les vieilles vignes reprenaient de la vigueur car leurs racines recolonisaient la couche de terre travaillée qui est la plus fertile.
Que des avantages !

Quand j’ai repris la suite de mon père en 1988, j’ai continué comme il me l’a appris. Il fallait détruire l’herbe qui faisait trop de concurrence à la vigne surtout dans les coteaux où la terre est moins riche.


Avec le recul de deux décennies de cette pratique agricole et les conséquences néfastes sur l’environnement avec la pollution des nappes phréatiques et des milieux aquatiques et ma sensibilité grandissante pour la défense de l’environnement, j’ai décidé d’arrêter les désherbants chimiques en 2008.


Le désherbage chimique a été remplacé par le désherbage mécanique. Il a fallu investir de façon conséquente, dans une chenillette et une charrue équipée d’interceps hydrauliques pour travailler le sol en plein : l’inter rang et sous le rang. J’ai même ressorti la charrue plumette et le treuil pour travailler les vignes que mon père n’avait pas planté suffisamment large pour permettre le passage de la chenillette.


Je me souviens de la colère de mon père, qui m’a vu arrêter les désherbants chimiques et ressortir le treuil. Avec une totale incompréhension, il disait : « Si tu avais souffert autant que j’ai pu souffrir à arracher l’herbe dans les vignes, jamais tu n’abandonnerais les désherbants. »

Après une nouvelle décennie de cette pratique, je me suis rendu compte que la fertilité de mon sol diminuait malgré la fertilisation organique apportée chaque année et que le passage fréquent des interceps abimaient les ceps. Et pour le mettre en évidence, on dispose d’un critère de mesure imparable qui est le taux d’azote assimilable dans les moûts.

Depuis plusieurs années, les moûts aussi bien en blanc qu’en rouge sont carencés en azote assimilable. Cet azote est indispensable pour le bon déroulement de la fermentation alcoolique. Il permet le bon développement et multiplication des levures qui pourront fermenter tous les sucres sans déviation organoleptique.

En cherchant à comprendre ce phénomène, je me suis intéressé à l’Agro-écologie et les couverts végétaux. Cette pratique culturale consiste à fertiliser et régénérer les sols en semant dans l’inter-rang des plantes (légumineuses, graminées, crucifères) en début d’automne avant ou après les vendanges selon la date.

Ces plantes choisies pour décompacter et améliorer la porosité du sol, sont en floraison juste avant celle de la vigne. La vigne vit sur ses réserves emmagasinées dans le vieux bois jusqu’à sa floraison et ensuite elle va puiser dans le sol les éléments nutritifs dont elle a besoin pour sa croissance. C’est pourquoi, au moment de leur pleine floraison, ces plantes vont être roulées avec un rouleau spécial (faca) qui va les coucher en pinçant les tiges et leur croissance sera stoppée. Cette biomasse fraiche (de l’ordre de 2 kg/m²) va sécher et par l’action des micro-organismes (champignons, bactéries et autres) va reconstituer le stock de matière organique. La vie biologique du sol va minéraliser cette matière organique et les racines de la vigne pourront se nourrir de ces éléments minéraux.


L’objectif de cette pratique est de rendre le terroir de la vigne auto-fertile et de stopper les intrants extérieurs de fertilisants organiques type fumiers ou composts (plus d’intrants organiques en 2022).


Le grand principe de l’Agro-écologie est que le sol doit toujours être couvert, jamais nu et jamais travaillé. Ceci marche très bien pour l’inter-rang, je le mets en application, mais je n’ai pas encore trouvé la solution sous le rang que je continue à travailler.

Ces couverts végétaux ont d’autres propriétés comme celle d’acidifier le sol, car dans l’environnement proche de leurs racines le PH est de 4, ce qui permet le déblocage en partie de certains éléments nutritifs bloqués par le PH élevé (8) de nos sols argilo-calcaire. Du fait aussi de leurs propriétés allélopathiques, ils empêchent les plantes indésirables de pousser.


Je n’invente rien, j’ai obtenu toutes ces informations en visionnant des heures et des heures de vidéos sur www.verdeterreproduction.fr où j’ai découvert les travaux de Gérard DUCERF, un botaniste qui s’intéresse aux plantes bio-indicatrices.


D’après ses travaux, si l’on recense toute la flore spontanée sur une parcelle en notant chaque espèce et son emprise en surface, on peut en déduire la nature, la structure et la composition du sol de cette parcelle. Il est admis en agriculture biologique que la flore spontanée pousse pour rééquilibrer le sol. A l’avenir, on pourra s’inspirer de la flore spontanée pour mieux choisir nos couverts végétaux.


Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions sur l’amélioration du taux d’azote assimilable dans les moûts, mais je persiste dans cette façon culturale, j’y crois car j’observe une amélioration de la biodiversité dans mes parcelles et je ne vois plus l’herbe en général comme une concurrente mais comme une alliée.